GIS Moyen Orient Mondes musulmans – Atelier 34 : « Le Salon : entre decorum et subversion »

9 Juillet 2015 – INALCO. 65 Rue des Moulins 75013. Salle 3.16

Organisation : Emma Aubin-Boltanski (CéSor) et Cécile Boëx (CéSor)

Capture d'écran. Sit-in domicile, Alep, 2011

Capture d’écran. Sit-in domicile, Alep, 2011

Dans les mondes arabes et musulmans, le salon désigne un espace hybride dont les fonctions sociales ont profondément évolué au cours du XXe siècle. Inclus au sein de l’espace domestique ou séparé de celui-ci, il constitue un lieu de représentation dont l’acteur principal est une famille (plus ou moins élargie selon les situations) ou un individu (une figure religieuse et/ou politique ; masculine ou féminine). Si de nombreux travaux se sont penchés sur les différentes formes de « salon » en tant qu’institutions productrices et régulatrices d’ordres sociaux et politiques, l’objectif de cet atelier est d’interroger cet espace composite comme scène de l’ordre et du désordre. Afin de mieux saisir les évolutions historiques qui le façonnent, il s’agira plus spécifiquement d’examiner les manières d’investir cet espace comme lieu de projection d’identités culturelles, politiques et religieuses selon des contextes ordinaires ou extraordinaires. Dans ce cadre, nous interrogerons les modalités concrètes de transformation du « salon » : d’espace domestique en espace public (religieux et politiques) et inversement. Ceci nous conduira à examiner avec une attention particulière les rôles et la circulation différenciés des hommes et des femmes au sein de ce lieu singulier.

Programme

Matinée

Discutante : Christine Jungen (anthropologue, CNRS, LESC)

9h30 -9h40 : « Introduction »

9h40-10h : Ece Zerman (Doctorante en Histoire, EHESS, CETOBAC)

« Le salon comme ‘musée’ : un lieu de construction des mémoires et des identités de l’Empire Ottoman à la Turquie moderne »

Au tournant du vingtième siècle, des peintures, des reproductions de peintures, des statues, des photographies de membres de la famille, des proches ou de « grands hommes » envahissent les intérieurs domestiques. Cette intervention vise à questionner le fonctionnement du salon dans le contexte turco-ottoman du début vingtième siècle comme une sorte de « musée » à la fois privé et public, intime et politique ; comme une ouverture sur le monde extérieur, un lieu de représentations de soi et de construction de mémoire et d’identité.

10h-10h20 : Laurent Damesin (Doctorant en Anthropologie, EHESS, IIAC-LAU)

« Le maqîl « culturel » au Yémen, subversion des normes et affirmation des identités »

Le maqîl est une institution au Yémen. Ce terme désigne également les différents majlis où, à partir de treize heures tous les jours, la grande majorité du pays s’installe sur des matelas en mousse pour mâcher des feuilles de « qat ». Notre intervention portera sur le maqîl revendiqué comme « culturel » (thaqâfî) qui a connu une évolution radicale sous les tentes du sit-in du mouvement révolutionnaire de 2011-2012. Nous analyserons sa dimension politique en portant une attention particulière aux subversions sociales et morales qui peuvent s’y observer lorsque, par exemple, à rebours des normes d’une société très conservatrice, des jeunes-hommes et des jeunes filles se retrouvent pour jouer de la musique, chanter et danser.

Pause

 10h40-11h : Laure Assaf (Doctorante en Anthropologie, Paris X, LESC, IIAC-LAU)

“Le privé, le public et l’intime dans la maison émirienne”

L’étude des pratiques du majlis dans la vie quotidienne familiale à Abou Dhabi (Émirats arabes unis) permet de se pencher sur les relations entre les domaines du public, du privé et de l’intime dans la maison émirienne. En croisant cette perspective avec l’examen des usages d’internet dans l’espace domestique, on s’interrogera sur la place de la personne au sein de la famille émirienne, et les nouveaux arrangements relationnels liés au changement des conditions de vie.

11h-11h20 : Mariangela Gasparotto (Doctorante en anthropologie, EHESS, IIAC-LAU)

« Le salon de Beyt al-Hayat à Ramallah, entre local et global »

« Beit al-Hayat » est un collectif de jeunes qui se réunissent dans le salon d’une maison située dans les environs de la ville de Ramallah, dans les Territoires Palestiniens Occupés. Dans cet espace, hommes et femmes se rencontrent pour discuter, tant de politique que de leur vie personnelle : ils partagent leurs angoisses et leurs rêves dans une atmosphère qui, à l’image de la ville qu’ils habitent, se veut à la fois globale et locale.

11h20-11h40 : Cécile Boëx (Politologue, EHESS, CéSor)

« Le sit-in revisité sur YouTube. Le salon comme espace de protestation dans le contexte de la révolte en Syrie »

Depuis mai 2011, des femmes organisent aux quatre coins de la Syrie des « sit-in à domicile » (I‘tisâm manzalî) pour exprimer leur soutien à la révolte ou faire passer des messages aux différents acteurs engagés dans ce qu’il est convenu d’appeler un conflit depuis fin 2012. Ces réunions sont filmées pour être mises en ligne sur YouTube. À partir d’un corpus de vidéos diffusées entre 2011 et 2013, il s’agira d’examiner la création et l’évolution de ce mode d’action singulier. Une attention particulière sera portée aux différents dispositifs performatifs et scénographiques qui permettent la reconfiguration du salon en espace de protestation.

11h40-12h : Discussion

Déjeuner

Après-midi

Discutant : Franck Mermier (Anthropologue, CNRS, IIAC, LAU)

13h30-13h50 : Mariela Elizabeth Acunà (Doctorante en anthropologie, EHESS, IIAC- LAU)

“The Lebanese reception room from the point of view of live-in migrant domestic workers: a space of order and subversion”

My work will problematize the reception room from the « order/dissorder » perspective in regard to the unequal power relation between the Lebanese employer and the live-in foreign domestic worker. It will take the household (with special emphasis on the reception room) as the place where the cultural interpretations and negotiations takes place, and where it is possible to observe the obedience of the imposed “order” and the “subversion” of the rules from both the Lebanese “madam” and the “foreign maid”. The paper will focus on the particular relationship between these two parties that epitomize the domestic sphere of the average middle-upper class Lebanese household, with the aim of analysing a specific hierarchical structure embedded in cultural significance, archetypal of middle-eastern societies.

13h50-14h10 : Lorraine Guénée (Doctorante en sociologie, EHESS, CEMS-IMM)

« Scènes de salon dans une famille jordanienne, mutation d’un espace de vie commune »

À partir de descriptions ethnographiques issues essentiellement d’une enquête auprès d’un ménage jordanien résidant au sein de la ville d’Aqaba, nous interrogerons les glissements successifs entre ordre et désordre dans le salon familial. Pour ce faire, nous mettrons notamment l’accent sur des moments où émanent des tensions familiales qui prennent la pièce à partie.

Pause

14h30 – 14h50 : Dima de Clerck (Doctorante en histoire, Paris I, IFPO)

« Le ‘salon de l’Église ‘dans le Liban d’après-guerre : un espace d’articulation du public et du privé »

Vers la fin de la guerre du Liban (1975-1990), apparaît un espace de réception attenant à l’église appelé le « salon de l’église ». Cet espace public voit le jour pour des raisons pratiques. Il se répand partout au Liban dans l’après-guerre et va vite avoir ses équivalents dans les communautés druzes et musulmanes. Il revêt un rôle social déterminant de cristallisation de l’identité sociale et communautaire et de l’appartenance à une région. Il contribue à la prospérité du clergé et des Églises. Dans les anciennes zones de conflit notamment dans le sud du Mont-Liban où les chrétiens ont été expulsés ou contraints de fuir en temps de guerre, le rituel qui s’y développe en temps de paix actualise des expressions identitaires, renforce les sentiments d’appartenance, régénère les solidarités. Le « salon » agit comme un ciment social où l’union fait la force…

14h50 – 15h10 : Emma Aubin-Boltanski (Anthropologue, CNRS, CéSor) 

« Une église de maison à Beyrouth en 2014 »

A la fin des années 1990, Catherine, une mystique maronite, mariée et mère de trois enfants, a rendu public son charisme et « ouvert sa maison ». Son appartement est depuis devenu un lieu de sociabilité intense. A toute heure de la journée, des personnes viennent la consulter, assister à ses extases, prier ou tout simplement discuter et échanger des nouvelles. S’y distinguent plus ou moins nettement, selon les situations, deux espaces, l’un domestique et l’autre religieux qui correspondent chacun à un salon particulier. Nous procéderons à l’analyse de ces deux lieux à travers les objets qui les composent (statues, images saintes, portraits familiaux, télévision, etc.) et des pratiques qui s’y déroulent.

15h10-15h30 : discussion

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