Appel à communication – Colloque AFSR – Indifférence religieuse et athéisme

AFSR

AFSR

Association française de sciences sociales des religions

Paris – 1 et 2 février 2016

Appel à communication

 

Les spécialistes de sciences sociales des religions se focalisent souvent sur leurs objets spécifiques, en oubliant d’interroger le phénomène de la non religion. Or, on ne peut comprendre les phénomènes religieux dans les sociétés contemporaines sans prendre aussi en compte leur contestation (l’anti-religion) et les manifestations d’indifférence religieuse, malgré les difficultés (qu’il s’agira aussi d’analyser) à mettre en place une science de l’irréligion. Du fait de la perte d’influence sociale des religions instituées, de l’individualisation des croyances, de la croissance des hésitations et des doutes dans beaucoup de domaines dont tout particulièrement le domaine religieux, la non religion ou la religion incertaine semblent beaucoup se développer. A la question classique de la socialisation à une religion semble s’ajouter celle d’une socialisation à l’incroyance. Dans un tel contexte, réfléchir sur la non religion, l’athéisme, l’indifférence religieuse, devient un enjeu majeur pour les sociologues du religieux, mais aussi pour l’ensemble des sciences sociales et pour tous ceux qui veulent mieux comprendre l’évolution des sociétés. C’est l’objet de ces deux jours de colloque. Le présent appel à communication invite les chercheurs et enseignants intéressés à proposer une intervention. Nous souhaitons aborder le sujet en trois temps.

 

  1. Le premier sera consacré à préciser les types de définitions de l’athéisme et de l’indifférence religieuse utilisées dans les sciences sociales, en lien avec des théorisations et peut-être une réflexion sur les méthodologies adaptées à ces objets. Ces définitions peuvent exister chez des penseurs à différentes époques (peut-être dès l’antiquité). Ces définitions de l’athéisme et de l’indifférence religieuse méritent d’être discutées et ajustées en fonction du présent. Au moins provisoirement, on peut définir l’athéisme comme un système de pensées et de croyances opposé à la religion (voire antireligieux), alors que l’indifférence religieuse se caractériserait par un désintérêt a priori complet pour la dimension religieuse de l’existence, cette dimension religieuse ne faisant pas sens mais ne nécessitant pas d’être contestée. L’indifférence serait une attitude pratique, une distance (modulée) d’avec les univers religieux sans pour autant chercher à les critiquer (peut-être parce que, vu leur perte de prégnance, ce ne serait plus nécessaire ou utile). Du coup, on peut se demander ce qui s’oppose à la religion : la non religion, l’athéisme, l’indifférence, ou d’autres systèmes de sens alternatifs à la religion…

Au-delà des cadrages théoriques, le colloque se développera en spécifiant d’un côté l’étude des formes de l’athéisme, de l’autre celles de l’indifférence religieuse. Pour chacun de ces deux grands thèmes, des approches historiques, sociologiques et ethnographiques seront privilégiées.

 

  1. L’athéisme peut être analysé aussi bien au niveau des individus que des groupes organisés et militants (Union rationaliste, Libre pensée, Union des athées…). Il s’agira d’évaluer l’étendue du phénomène athée, aussi bien en France que dans d’autres pays (dans une perspective comparée), de chercher à savoir qui sont les athées (à travers la sociologie de cette population, son système de valeurs) et comment ils sont perçus par la population globale : si les athées semblent aujourd’hui très bien acceptés en Europe de l’Ouest, cela n’a pas toujours été le cas. Aux Etats-Unis, ils semblent encore souvent perçus comme des déviants et de mauvais citoyens[1].

La dimension historique représente bien sûr un volet important de ces thématiques, parce qu’elle permet d’établir comment différentes époques servent de référence pour réfléchir au positionnement de l’incroyance et de l’athéisme sur l’échelle de la « grande histoire » mais aussi d’exhumer les traces historiques d’athéisme qui n’ont pas été nécessairement des signes précurseurs d’une indifférence religieuse… Dans la vie d’un homme / d’une femme, ou dans la trajectoire d’une société, les temps / lieux / formes de croyances et d’incroyances, d’adhésion ou de détachement des systèmes religieux, admettent des variations bien plus complexes que le modèle classique d’un étiolement moderne de la foi ne le laisse à penser. Ces variations ont jusqu’ici été peu étudiées et c’est ce que ce colloque entend pallier.

Concernant la France, la période d’affirmation de la laïcité à la fin du XIXème siècle mériterait des analyses plus approfondies, tout comme le méritent le devenir et les recompositions des organisations antireligieuses intervenues depuis lors. Certains mouvements athées ont-ils glissé vers l’indifférence ? Si oui, pourquoi ? Pourrait-on parler d’une « sécularisation des athées » ? Observe-t-on des trajectoires inverses de mouvements qui passent de l’affirmation d’une indifférence religieuse (ou d’un agnosticisme) à un athéisme militant ?

Concernant les sociétés contemporaines, il pourrait aussi être intéressant de mettre en lumière l’athéisme très fort dans certaines professions, notamment parmi les scientifiques (enquêtes réalisées ou en cours en France et dans d’autres pays), sur un arrière-plan de débats intellectuels et d’arguments qui s’échangent entre philosophes athées, agnostiques, indifférents, hésitants et dubitatifs, ou pro-religieux.

L’athéisme officiel de certains Etats, à l’époque soviétique notamment, est aussi un thème qui trouve sa place dans ce colloque, l’athéisme officiel n’ayant pas anéanti les religions, puisqu’on en observe au contraire aujourd’hui une grande diversité en Europe centrale et orientale. Si certains pays ont plus ou moins connu des retours du religieux, ce n’est toutefois pas le cas dans d’autres. Comment expliquer le très fort impact de l’athéisme et de l’indifférence religieuse en Allemagne de l’Est, ou en République tchèque, en Estonie et Lettonie ? Et la politisation de l’athéisme aux Etats-Unis, en Turquie, en Chine ou en Inde ? L’examen comparatif des trajectoires, à une échelle nationale, des idées et des pratiques athées, d’irréligion ou d’incroyance permet de saisir ce qui relève de généalogies propres à un ensemble social et culturel.

 

  1. L’indifférence religieuse est probablement plus difficile à cerner que l’athéisme, du fait du peu de bruit qu’elle fait, n’étant pas militante, ne cherchant pas à s’exprimer dans l’espace public. Il appartient à l’histoire de dire si elle était déjà répandue à certaines époques ou si elle est une attitude spécifique aux sociétés contemporaines. Pour le présent, cette attitude peut être précisée :
  • soit par des recherches qualitatives : entretiens ou observations ethnographiques, par exemple analyse de l’indifférence religieuse dans des catégories particulières (chez les adolescents, dans des milieux sociaux particuliers), dans des régions de différentes origines confessionnelles,
  • soit à travers des résultats d’enquêtes quantitatives.

Il s’agira enfin de montrer qu’il existe plusieurs formes d’indifférence, qui s’expriment à travers des modalités particulières (discursives et/ou pratiques, affirmées ou discrètes, individuelles ou plus collectives…). Certains sociologues distinguent par exemple une indifférence d’ordre plutôt cognitif (absence d’intérêt pour connaître un ou des domaines religieux) et une indifférence d’ordre plutôt existentiel (ne donner aucune importance au religieux dans sa vie). Les affirmations d’indifférence religieuse ne sont peut-être pas toujours aussi absolues qu’on pourrait le croire a priori, et sur fond d’indifférence religieuse, le doute ou les interrogations religieuses peuvent peut-être surgir dans certains contextes événementiels ou à certaines périodes de la vie.

Ce colloque est préparé par Pierre Bréchon, Sciences po Grenoble, Lionel Obadia, Université Lyon 2 et Anne-Laure Zwilling, CNRS Strasbourg, en lien avec le bureau de l’AFSR.

Les propositions de communications doivent nous parvenir avant le 15 octobre sous la forme suivante :

  • un titre (provisoire) de communication,
  • une présentation en une page de l’objectif poursuivi, des données utilisées,
  • une notice biographique rapide.

Les documents seront envoyés par e-mail à nos trois adresses :pierre.brechon@iepg.fr ; Lionel.Obadia@univ-lyon2.fr ; anne-laure.zwilling@misha.cnrs.fr.

La décision sur les propositions sera communiquée très rapidement, de manière à ce que chacun puisse préparer son texte dans de bonnes conditions. Les textes sont attendus si possible pour le 5 janvier, et en tout cas avant le 15 janvier (ce qui permettra aux discutants de faire leur travail). Il conviendra aussi de fournir avec le texte une page de résumé, qui sera diffusée à tous les participants.

[1] D’après certains sondages, les Américains acceptent/teraient beaucoup plus facilement de voter pour un noir ou un homosexuel que pour un athée à l’élection présidentielle.

 

Share This: