Journée d’études : Outils et pratiques de dévotions

Compétences et savoirs au service du faire-croire[1]

Rouleaux protecteurs éthiopiens issus d’une collection privée

Rouleaux protecteurs éthiopiens issus d’une collection privée

Les outils de dévotion et de piété, qu’il s’agisse d’objets, de rituels ou de référents, sont des nœuds de relations entre un système de croyance et ses fidèles. Vecteurs à part entière de l’idéel, ce sont des instruments servant une rhétorique de persuasion. Leurs formes qu’elle soit écrite (exempla, miracles), visuelle (icone, croix, statut) ou orale (prières, commémorations) et leurs utilisations, alimentent et infléchissent la communication dans l’espace public. Leur impact sur la communauté de croyants est multiforme. Elle dépend en grande partie du ou des « système(s) de sens » dans lequel son producteur, par son savoir et ses compétences choisi de l’insérer.

Le propos de cet atelier est d’interroger dans la longue durée l’histoire des usages et de la matérialité de ces outils. Il existe tout un processus menant à l’efficience des outils de dévotion : depuis leur création et les techniques qui y président, jusqu’au contexte social, matériel, culturel, économique voire politique dans lequel ils évoluent. En observant les objets, rituels et référents de la dévotion, leur pérennité et transformations dans la longue durée, nous pouvons nous donner des clefs pour comprendre comment savoir, techniques et croyances structurent une société. En adoptant une démarche multi-située l’étude des usages et de la matérialité des objets de dévotion est un prélude à la compréhension des mouvements multiformes et des échanges culturels qui travaillent des sociétés pluriconfessionnelles.

Autour des objets de dévotion, le dialogue entre historiens et anthropologues des mondes helléniques et éthiopiens pourra se faire par différentes approches : productions et producteurs, sémiotique et langage, diffusions et commerces, valeur euristique, interactions sociales transconfessionnelles.

Programme de la journée d’études : Vendredi 30 septembre 2016, de 10h00 à 18h00

Lieu : EHESS, 190-198 avenue de France, 75013, salle Jean-Pierre Vernant, (8eme étage)

Matinée :

Discutant : Korshi Dosoo (post doctorant, Labex RESMED, UMR 8167, Orient et Méditerranée)

  • 10h00 accueil des participants (viennoiseries et boissons chaudes)
  • 10h15 Introduction : Ayda Bouanga (LabEx Hastec/CéSor)
  • 10h30 Thomas Galoppin, (LabEx Hastec/LEM)

Les oiseaux qu’il ne fallait pas tuer (Porphyre, Vie de Plotin, 10)

Un épisode de la Vie de Plotin de Porphyre évoque un rituel au cours duquel le philosophe aurait vu apparaître son démon personnel. L’épisode peut être mis en relation avec des pratiques attestées par des papyrus de « magie » grecs pour confronter deux façons d’énoncer les rituels, la prescription dans laquelle les rites sont des moyens matériels de relation avec le divin et la biographie dans laquelle le rite est un outil de la rhétorique philosophique.

  • 11h15 Siena de Ménonville (CANTHEL)

Le ‘mauvais’ debtera : les discours sociaux sur les fabricants des images magico-religieux

Cette intervention propose un regard ethnographique sur les pratiques d’un debtera gonderien aujourd’hui, et la perception sociale de certaines pratiques de dévotions. Les debtera sont connus pour leur savoir-faire et leurs connaissances dans les domaines religieux et occultes, ainsi que pour la fabrication des talismans. Nous verrons comment les discours produits sur les debtera et leurs pratiques de dévotions participent à la formation de leur identité. Également nous regardons comment à travers des discours s’expriment des questions de mœurs et de moralité qui révèlent les ambiguïtés de l’articulation sociale de la société éthiopienne d’aujourd’hui.

  • 12h00 discussions

Après-midi :

Discutante : Ioanna Rapti (EPHE/Orient & Méditerranée)

  • 14h30 Claire Bosc-Tiessé, (CNRS/IMAf)

Le 5e Evangile ? Textes et pratiques de dévotion, usages et statuts des images de Marie en Ethiopie entre le XIVe et le XVIIIe siècle

Cette communication propose d’analyser les tensions à l’intérieur de l’Eglise éthiopienne entre la liturgie imposée par le pouvoir royal et le culte réellement rendu à Marie dans les églises et d’essayer d’en retracer les évolutions comme les particularités selon les époques et les lieux. Il ne s’agit pas de revenir sur les oppositions violentes entre le pouvoir royal, l’Eglise officielle et les mouvements monastiques dissidents du XVe siècle mais de voir quelle religion s’est négociée dans le quotidien des fidèles autour de la lecture des Miracles de Marie et de l’usage des icônes, plus particulièrement à travers l’étude des manuscrits, celle des textes qu’ils contiennent et du livre comme objet, et de leurs usages en parallèle à celui des objets.

  • 15h15 Anna Poujeau, (CNRS/CéSor)

Culte et dévotion dans les monastères de Syrie (2000-2010) : ethnographie de pratiques religieuses et politiques

Depuis les années 1980 jusqu’au début du conflit en 2011, le pouvoir politique syrien a fortement encouragé le renouveau monastique chrétien dans tout le pays. Dédiées à des saints, les imposantes bâtisses monastiques ont contribué au maillage chrétien du territoire syrien, tout en s’érigeant en des lieux singuliers de miracle vers lesquels convergeaient des foules de pèlerins issus de toutes les confessions religieuses. Dans cette intervention, je montrerai comment dans ces espaces de pratiques dévotionnelles intenses, à la fois situés à la marge des grands ensembles urbains et totalement insérés dans le paysage syrien, ont pu naître des formes d’expressions religieuses et politiques particulières.

  • 16h00 discussions

[1] Second atelier du projet « Rencontres et croisements » coordonnée par E. Ficquet (EHESS/CéSor), M-L. Derat (CNRS/Orient & Méditerranée) et A. Bouanga (Labex Hastec/CéSor).

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