Généalogie des sciences sociales du religieux

Matthieu Béra, Alexandra Delattre, Dominique Iogna-Prat et Pierre Lassave

Maison Auguste Comte, 10 rue Monsieur-le-Prince, 75006 Paris (jeudis 7 et 28 novembre 2019, 27 février, 4 juin 2020)

Campus Condorcet, Aubervilliers, Bâtiment Nord, 3e étage, salle 3086 (jeudis 9 et 23 janvier, 26 mars, 7 mai)

Sur la base d’une des définitions étymologiques de « religion » comme ce qui « fait lien », l’objet de ce séminaire collectif, organisé par le Centre d’études en sciences sociales du religieux (CéSor) en coopération avec la Maison Auguste Comte, est de contribuer à une réflexion d’ensemble sur l’émergence, entre 1820 et 1920, des sphères disciplinaires (anthropologie, littérature, philosophie, sociologie, sciences politiques) en charge du social. C’est un travail « généalogique » qui a pour but d’éclairer la genèse de nos pratiques intellectuelles, souvent devenues myopes dans leurs finitudes, pour mieux faire saisir les logiques d’ensemble d’une histoire globale des sciences sociales. Les séances du séminaire sont organisées en deux modules de 2h chacun, que les auditeurs peuvent suivre en totalité ou en partie (les validations pour les étudiants inscrits tenant compte du suivi intégral ou partiel).

I. La sociologie religieuse de Durkheim avant les Formes (1879-1895), Matthieu Béra

En réponse aux attaques du polémiste catholique Simon Deploige, Durkheim écrivit en 1907 qu’il avait eu une « révélation » en 1895, et qu’il avait dû reprendre à nouveaux frais tous ses travaux antérieurs. 1894/1895 est la date de son premier cours de sociologie religieuse, perdu. À l’occasion de ce séminaire, on se propose de le recomposer à partir des nouveaux matériaux amassés depuis une dizaine d’années : cours de sociologie criminelle de 1893, emprunts de Durkheim dans les bibliothèques depuis ses études à l’École normale supérieure, cours de Bordeaux en général, références bibliographiques de sa thèse soutenue en 1893. Le but est de revenir en arrière, d’essayer de reconstituer ses cheminements, ses « tâtonnements » comme il le disait lui-même, qui l’ont mené à placer le religieux au cœur de son entreprise de fondation de la sociologie, et cela bien avant la parution des Formes élémentaires.

  1. La « révélation » de Durkheim

– Matthieu Béra, Mise au point bibliographique [jeudi 7 novembre, 15h-17h]

– Matthieu Béra, Autour de l’éducation religieuse de Durkheim [jeudi 28 novembre, 15h-17h]

– Giovanni Paoletti, La scolarité à l’École normale supérieure. Lectures d’études [jeudi 9 janvier 2020, 15h-17h]

– Marie-Claude Blais et Philippe Steiner, Durkheim, Renouvier et Comte [jeudi 27 février, 15h-17h]

– Yann Potin et Matthieu Béra, L’influence des professeurs de l’École normale supérieure. L’histoire et l’objectivation du religieux [jeudi 26 mars, 15h-17h]

– Jean-Louis Fabiani, Être professeur de philosophie au lycée (discutant : Jean-Christophe Marcel) [jeudi 7 mai, 15h-17h]

– Wiktor Stockowski, La science sociale comme vision du monde. Émile Durkheim et le mirage du salut (Gallimard, Paris, 2019) [jeudi 7 mai, 17h-19h]

  1. D’autres saisies du religieux

– Alban Bensa, Épopée et conversion à l’horizon kanak (xxe siècle) [jeudi 23 janvier, 15h-17h]

– Isabelle Kalinowski, Weber « Religiös unmusikalisch » ? [jeudi 4 juin, 15h-17h] 

II. Religions et utopies sociales au risque de l’« écriture » (1850-1900)

La période postrévolutionnaire est, comme disait Tocqueville, le temps des « sociétés imaginaires », des grandes utopies sociales qui forment le terreau de la tradition sociologique, de Saint-Simon et Comte jusqu’à Durkheim et Weber, lesquels instaurent la sociologie comme champ d’étude et « troisième culture », à côté des sciences de la nature et de la littérature. Pourquoi les reconstructeurs de société font-ils retour au sacré ? Pourquoi tant de résurgences religieuses après les commotions révolutionnaires ? En quoi et jusqu’où les penseurs de la société puisent-ils au répertoire traditionnel du christianisme ? Comment peuvent-ils le faire en contexte d’éclectisme et de relativisme sceptique face à la diversité des religions ? Y-a-t-il, en somme, un « âge théologique de la sociologie » comme l’a prétendu François-André Isambert à propos de Buchez, et qu’entendre par « théologie » à l’âge de formation des sciences morales puis sociales ? En considérant la tension créatrice au croisement du catholicisme et du positivisme scientifique, on s’intéressera aux formes de discours théoriques et littéraires consacrées à la « comédie » des hommes s’efforçant de faire communauté. Le cœur de la réflexion sera de savoir ce que, pour les protagonistes de tous bords, veut dire « littéraire » dans une perspective d’analyse de la société. Littéraire au sens restreint des « belles lettres », ou bien littéraire au sens large de la production des traités et des écrits analytiques aux fondements des sciences sociales ? Enfin, la référence confessionnelle peut-elle adéquatement qualifier le littéraire, et permettre, par exemple, de parler de littérature « catholique » ?

  1. Dominique Iogna-Prat, Religion, littérature et écriture des sciences morales [jeudi 7 novembre, 17h-19h]

  2. Une littérature catholique ?

– Qu’est-ce que la « littérature catholique » ? (Alexandra Delattre) [28 novembre, 17h-19h];

– Le statut du producteur [jeudi 9 janvier, 17h-19h] :

Hervé Serry, L’intellectuel catholique

Alexandra Delattre, Du naturalisme à l’ « oblature » : Huysmans, figure transitionnelle de l’ « intellectuel catholique ? »

– Le magistère [jeudi 23 janvier, 17h-19h] :

Loïc Artiaga, Le catholicisme et la naissance de l’ère médiatique (discutant : Jean-Baptiste Amadieu [sous réserve])

Alexandra Delattre, Presse catholique et contrôle médiatique : cent ans d’arguments anti-romanesques

– Questions de genres [jeudi 27 février, 17h-19h]

Caroline Muller, Au plus près des âmes et des corps. Une histoire intime des catholiques au siècle (PUF, Paris, 2019) (discutant : Alain Rauwel)

Alexandra Delattre, Avec ou contre les femmes : une répartition « genrée » du champ littéraire catholique ?

– L’art comme apologétique laïque [jeudi 26 mars, 17h-19h] :

Maud Schmitt, Le récit laïque

Alexandra Delattre, Apologétique et art en milieu thomiste : l’œuvre d’Antonin-Gilbert Sertillanges

 III. Compléments

  1. Pierre Glaudes, Balzac sociologue et Barbey d’Aurevilly journaliste [Maison Auguste Comte, mardi 15 octobre 2019, 19h-20h30]
  2. Bruno Delmas/David Labreure, Au cœur des archives positivistes : le fonds Laffitte [Maison Auguste Comte, jeudi 4 juin 2020, 17h-19h]
  3. Journées d’étude de la Maison Auguste Comte, « Littérature et positivisme » (avec la participation d’Alexandra Delattre, Dominique Iogna-Prat et Pierre Lassave) [Chapelle de L’Humanité, 5 rue Payenne, 75003 Paris, mercredi 17 et jeudi 18 juin 2020, 9h-18h]

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