Le vodou, le prêtre et l’ethnologue Retour sur la polémique Joseph Foisset / Jacques Roumain (Haïti, 1942) 

Lewis Ampidu Clorméus

En 1860, un concordat est signé entre le Saint-Siège et l’État haïtien. Dès lors, le clergé catholique entame en Haïti une lutte sans merci contre le vodou, une religion populaire considérée comme une superstition, tant par le législateur haïtien que par l’Église catholique. Cette dernière va ainsi y mener trois « campagnes antisuperstitieuses » (1896-1900, 1911-1912 et 1939-1942). La dernière – communément appelée    « campagne de la renonce » – est lancée alors que triomphe l’indigénisme dans la littérature et les arts, et que la législation contre les pratiques dites superstitieuses s’est renforcée en 1935. Cette croisade divise le pays au point que le gouvernement y met brusquement fin.

C’est dans ce contexte qu’une polémique éclate entre l’intellectuel marxiste haïtien Jacques Roumain, directeur du Bureau d’Ethnologie d’Haïti, et le spiritain Joseph Foisset, né en Alsace, qui s’est fait connaître par ses écrits tranchants contre l’école durkheimienne d’ethnologie et le marxisme. Les échanges sont très suivis et abordent différentes questions religieuses. Or, quelques décennies plus tard, bien que cette polémique soit restée célèbre, seuls les écrits de Roumain bénéficient d’une certaine médiatisation. Aucun ouvrage ne reprend ni n’analyse l’intégralité des échanges entre les deux intellectuels. Nourri d’abondantes citations, le présent travail se propose de resituer le cadre sociohistorique de cette polémique et d’en déterminer les enjeux.

Lewis Ampidu Clorméus est docteur en sociologie. Enseignant à l’Université d’État d’Haïti (UEH), il est aussi, notamment, chercheur associé au Centre d’études en sciences sociales du religieux (CéSor) de l’EHESS. Il s’intéresse surtout aux relations entre l’État et les religions en Haïti, à la gestion du patrimoine culturel et à l’histoire intellectuelle. Parmi ses plus récentes publications : Le Vodou haïtien. Entre mythes et constructions savantes (Riveneuve Éd., Paris, 2015) et Duverneau Trouillot et le vodou. Réflexions d’un intellectuel haïtien du XIXe siècle (Éd. du CIDIHCA, Québec, 2016).

 

 

 

 

 

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