Appel à Propositions pour le congrès « Soigner, Guérir » proposé par le GIS Religions-Textes, pratiques, Pouvoirs

14-16 octobre 2021, Lyon

Soigner, guérir

Fidèle à l’orientation qui avait guidé le choix de la Tradition lors de son précédent Congrès, le GIS souhaite proposer pour le prochain : Soigner, guérir. Soit un ou des objets qui ne soient pas en tant que tels inscrits dans le champ religieux, bien que la médecine en soit très longtemps restée inséparable, mais pour lesquels les sciences du religieux puissent offrir une multiplicité d’éclairages, hérités de l’histoire comme recueillis dans le monde contemporain.

Cette nouvelle thématique se développera selon une série de conférences et de table-rondes ; elle sera enrichie de présentations de livres, de lectures, de projections de films et de visites dans les divers musées de Lyon.

Depuis longtemps, la question anime la recherche avec des titres suggestifs :

  • En 1995, Antoine Vergote, pose un triptyque « Religion, pathologie, guérison » (Revue théologique de Louvain, 26, 1995, p. 3-30)
  • « La maladie comme métaphore de la croyance » (expression de Vincent Tournier, « Croyances et maladies. Relations d’aide en situation d’interculturalité », Le sociographe, 2010/2, n° 32, p. 42-53)
  • Cécile Chapelain De Seréville-Niel, Christine Delaplace, Damien Jeanne, Pierre Sineux (dir.), Purifier, soigner ou guérir ? (Rennes, PUR, 2020)

La crise sanitaire actuelle a rappelé l’importance de ces questions (Philippe Martin, Les religions face aux épidémies, de la peste à la Covid, Paris, Cerf, 2020).

Ces questions nous interpellent :

  • Sur le corps : comment expliquer son dérèglement ? quels sont les liens entre religion et pathologies ? Au-delà du corps lui-même, nous devons nous interroger sur l’ensemble de l’individu aux prises avec ces dérèglements (Belief and Unbelief. Psychological Perspectives, Amsterdam, 1994). En sémiologie clinique, la religion est indissociable de la culture ; ainsi des délires mystiques des schizophrènes, dont les manifestations et les traitements diffèrent selon les cultures.
  • Sur les rapports entre les États et les Religions, quant aux réponses médicales ou sociales/sociétales, qui sont apportées aux grandes crises sanitaires, dont celle que nous vivons aujourd’hui.
  • Sur le « sens » de la souffrance : est-elle une manière d’arriver à une rédemption ? le « souffrant » est-il un « alter christus » (selon la formule chrétienne) ? Ou faut-il l’exclure au nom de la pureté ? (Nicolas Martin, Antoine Spire, Dieu aime-t-il les maladies ? Les religions monothéistes face à la maladie, Paris, A. Carrière, coll. Essais, 2004). Comment cette question se formule-t-elle dans les différents univers de pensée religieux qui seront convoqués dans ce Congrès ?
  • Sur les gestes de protection et sur les médiateurs de ces gestes : pèlerinages ; rites de protection et de guérison, etc.

Ces différents aspects doivent être envisagés dans une multitude de temporalités : dans leur longue durée ; dans les sociétés au quotidien ; dans les périodes de crise ; dans les situations de migrations, essentielles aujourd’hui, etc.

Sur la base de ces interrogations, plusieurs thématiques sont envisagées, qui seront construites dans des tables-rondes à partir des réponses reçues à notre appel

Thématiques envisagées

Maladies, Possession et Exorcisme

La possession du corps des humains par des puissances surnaturelles est un phénomène aussi ancien que ses formes ont été multiples au cours du temps et dans divers univers religieux. Il convient aux religieux de discerner ce qui relève de la maladie « naturelle » ou de la possession. La concurrence sur ce terrain des médecins et des « prêtres » quels qu’ils soient est du reste une histoire de longue durée jusqu’à aujourd’hui.

Cette concurrence a d’ailleurs été souvent à la frontière de différents univers, quand l’exorciste convertit en guérissant ; l’exorciste, ou le médecin, quand il convertit aux lumières humaines.

Il pourrait être intéressant, dans ce cadre, de déterminer les spécificités des formes, des fonctions et des enjeux des récits de guérison que mentionnent les écrits religieux de référence, la Bible hébraïque et le Nouveau Testament en particulier.

Il faut ajouter à ce dossier la question des traités de médecine arabes inspirés de la médecine hippocratico-gallénique et de la médecine prophétique, et de leur usage thérapeutique encore actuel dans certaines sociétés arabes et musulmanes.

Epidémies et boucs émissaires

L’épidémie est d’une certaine manière au corps collectif ce que la possession est au corps particulier : il faut en expulser le mal – qui pourra être le juif, par exemple, ou le chinois et ses habitudes alimentaires, pour faire écho à la scène contemporaine). Ou alors le mal que l’on porte en soi et qui a fait le lit de l’épidémie : il faudra expier, dénoncer ses péchés. Mais le coupable a longtemps pu être aussi l’environnement : l’air vicié, dans les mondes antiques, par exemple, qui identifient la mauvaise odeur comme la source du mal, mais aussi, à l’époque contemporaine, la pollution sous toutes ces formes.

L’histoire des grandes épidémies, qui ont souvent traversé les continents, est un faisceau de lumière pour une comparaison des formes d’expurgation du corps social selon les systèmes de pensée et de croyance. La pandémie actuelle ouvre ici un terrain d’analyse dramatiquement nouveau par son ampleur.

Cette pandémie a en outre mis en lumière un aspect spécifique de la dimension religieuse de l’expérience de la maladie : les risques de contagion et les mesures de distanciation sociale ont en effet empêché la mise en œuvre du travail d’accompagnement des malades, qui peut se déployer sur le plan moral, mais aussi spirituel. Depuis l’antiquité, toute une littérature de « consolation » s’est développée pour encadrer en traduisant dans un langage religieux cette expérience. Cependant, aux figures traditionnelles en culture chrétienne de l’« aumônier », qui prend en charge cette activité dans les structures hospitalières, se sont désormais ajoutées toute une série d’intervenants qualifiés d’« accompagnants spirituels », pour rendre compte du fait que cette intervention s’émancipe de son cadre chrétien et doit trouver de nouvelles formes capables de tenir compte à la fois de la permanence des besoins spirituels que suscite souvent cette expérience et de la diversité des cultures religieuses, voire philosophiques, des malades.

Les mesures de lutte contre la pandémie actuelle ont par ailleurs montré une nette tendance à réduire l’humain à sa dimension organique, au nom de l’objectif de protection de la santé. Si « le sens de la vie ne gît pas dans nos organes, mais procède nécessairement d’une Référence qui nous est extérieure » (Alain Supiot), s’interroger sur cette « Référence » ouvre un champ de réflexion sur l’articulation entre le religieux et le séculier, la façon dont ils se saisissent des corps malades – ou considérés comme tels. De nombreuses disciplines peuvent alors être mobilisées.

Corps inscrits : scarifications, stigmatisations, circoncisions, excisions

Comment les prescriptions religieuses ont elles, de multiples façons, imposé aux corps une souffrance qui, d’une certaine manière, prenait de court ou de vitesse les souffrances de la maladie pour en faire au contraire des formes d’initiation à la vie – par les scarifications rituelles, par la circoncision dans la tradition juive, par les stigmatisations dans l’exposition extrêmes des corps à la preuve par la foi ? Quel rapport de forces s’y joue entre la souffrance et la maladie ?

Diète, jeûne, ascèse

Nous sommes, là encore, face à un ensemble de pratiques, elles aussi universelles, qui traitent du rapport du corps à sa santé physiologique et spirituelle.  Nulle n’entre elles ne se réduit à la maladie, mais nulle non plus n’est étrangère à sa menace, qu’elle touche le corps ou l’âme. Il faut tenter de peser ce qui conjure et ce qui guérit, et ceci à travers les formes les plus diverses, des plus normées aux plus extrêmes, car les unes et les autres doivent faire l’objet d’une approche compréhensive, dont le lieu partagé – le corps – permettra de mesurer les écarts et les zones de convergence.

Arts de mourir, bonne et mauvaise mort

Qu’est-ce que « bien mourir », dans des sociétés qui, toutes, se trouvent exposées à cette question ? C’est se préparer à la mort sans devoir la hâter. C’est savoir l’accueillir sans la provoquer. La maladie, la vieillesse, l’usure du temps doivent-elles être autant d’étapes sur ce parcours réglé. Une immense littérature nous raconte ce parcours, en particulier, dans le monde chrétien, pour ce qui concerne l’usage des sacrements ; ou encore, dans diverses sphères religieuses, les congrégations, confréries, etc., attachées au soin de la mort. Et quel est aujourd’hui notre rapport à cette « bonne mort », quand la technologie médicale et/ou le législateur imposent leur solution?

Sanctuaires et pratiques votives

Les pratiques et objets votifs (peintures, moulages, offrandes, et les rituels qui leur sont liés), qui ont fait l’objet de nombreux travaux récents dans le champ des sciences sociales, sont sans doute l’un des phénomènes les plus constants – et les plus extraordinairement divers – rattachés à des formes de croyance en situation de risque pathologique. A la croisée de l’anthropologie, de l’histoire des arts et de l’histoire des dévotions, l’étude des sanctuaires reconnus ou non par les institutions religieuses permet l’observation de multiples formes de dons et d’échanges, dans le monde chrétien comme au Japon, en Iran ou dans bien d’autres espaces.

Des ordres hospitaliers à la présence du religieux dans les institutions médicales

Le cadre institutionnel des soins prodigués renvoie à des luttes d’influence qui appartiennent largement au passé, comme en témoignent aujourd’hui l’appréhension patrimoniale de l’héritage des congrégations hospitalières ou l’assistance spirituelle dans les établissements de santé. Elles sont toutefois susceptibles de se prolonger dans d’autres espaces de discussion des enjeux éthiques de la médecine. Il pourrait par ailleurs être intéressant de s’interroger sur les modalités spécifiques de l’accompagnement spirituel de personnes hébergées dans des établissements de santé : en particulier, l’urgence de réfléchir à l’accompagnement des résidents en maisons de retraite est patente, comme l’a montré la crise sanitaire qui a accru leur solitude.

Le cadre institutionnel des soins prodigués renvoie à des luttes d’influence qui appartiennent largement au passé, comme en témoignent aujourd’hui l’appréhension patrimoniale de l’héritage des congrégations hospitalières ou l’assistance spirituelle dans les établissements de santé. Elles sont toutefois susceptibles de se prolonger dans d’autres espaces de discussion des enjeux éthiques de la médecine.

Sur ces différentes propositions, nous attendons vos retours pour le 30 mars au plus tard, afin de pouvoir constituer un programme précis avec le groupe de travail du Conseil Scientifique qui se réunira dans la première quinzaine d’avril.

Nous vous prions de communiquer ces propositions à :

Philippe Martin (Philippe.Martin@univ-lyon2.fr)

Pierre Antoine Fabre (pafabre@ehess.fr)

Malika Gragueb (malika.gragueb@univ-lyon2.fr)

ORGANISATION DU CONGRES

Les lieux et l’organisation

Le Congrès se tiendra sur deux jours et demi à Lyon. Les deux premiers jours se dérouleront à la MILC (au centre de Lyon). On peut imaginer, le soir, des interventions tournées vers un autre public (lectures, projections…).

A la MILC, on alternera par demi-journée :

  • Des conférences plénières
  • Des ateliers (le nombre d’ateliers dépendant des capacités en salles)
  • Des captations vidéo pendant les deux jours car on peut tout de suite partir sur le principe d’un web-documentaire comme « restitution » finale du Congrès

Une demi-journée dans l’un des musées de Lyon.

Conférences

Un programme de conférences destinées à un plus large public, émanera de la programmation des tables-rondes, et proposera une perspective élargie sur les travaux qui y seront développés.

Autour de livres

On pourrait revenir sur l’œuvre de quelques auteurs importants : Michel de Certeau (La possession de Loudun) ; Jean Delumeau ; Philippe Ariès ; François Laplantine. En complément de la présentation de livres récents.

La dimension littéraire doit être également envisagée avec des lectures possibles : la fable des Animaux malades de la peste ; des Oraisons funèbres ; Journaux d’exorcisme ; Némesis de Philip Roth…

Projections possibles :

Catherine ou les chaînes de la Passion, Emma Aubin Boltanski

La mort de Louis XIV, Albert Serra

Accords extérieurs :

Musée des Confluences

Musée des Beaux-Arts

Musée de la Faculté de Médecine

Musée africain de Lyon

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