Devenir juifs. Conversions et assertions identitaires en Inde et au Pakistan

Mardi 9 mai 2023

 14h – 18h

Bâtiment de recherche sud, Campus Condorcet, salle 0.015.

2 Cours des Humanités, Aubervilliers (Métro : Front Populaire, ligne 12)

Séance conjointe des « Débats du CéSor » et du séminaire « Actualité de la recherche sur l’Asie du Sud », organisée par le Centre d’études en Sciences sociales du religieux (CéSor, CNRS-EHESS) et le Centre d’études sud-asiatiques et himalayennes (Cesah, CNRS-EHESS), en anglais.

Présentation

« L’an prochain à Jérusalem ! », scande un homme portant une kippa dans une synagogue de Karachi au Pakistan. Ses paroles sont répétées en chœur par les membres de sa communauté, un groupe comptant près de trois cents personnes qui s’autodésignent par l’expression ‘Bene Ephraïm’ (les « descendants d’Ephraïm ») et pratiquent le judaïsme depuis 2012. A l’abri des regards de leurs voisins musulmans et chrétiens, ces personnes qui pratiquaient autrefois le christianisme apprennent les rudiments du judaïsme en suivant les enseignements dispensés en anglais par des rabbins sur internet. Ces discours sont ensuite traduits en ourdou et partagés au sein de la communauté par le biais de groupes WhatsApp. Ceci n’est pas un cas isolé. De nos jours, en Afrique, en Amérique latine, en Océanie ou ailleurs en Asie, de nombreux groupes adoptent des pratiques religieuses juives, appropriations qui vont souvent de pair avec des revendications d’une origine israélite.

C’est aussi le cas en Inde, où plusieurs communautés christianisées se sont récemment tournées vers le judaïsme. Au début des années 2000, chez les Madiga, un groupe dalit d’Andhra Pradesh (sud-est de l’Inde), un ex-pasteur chrétien proclame dans ses écrits que les Dalits sont les descendants de tribus perdues d’Israël et affirme que sa communauté a été reléguée au statut d’intouchable par les Aryens après s’être rebellée contre la hiérarchie des castes. Dans une société où les vaches sont sacrées et où la crémation est la norme, il fait l’apologie des pratiques alimentaires et rituelles dalit : manger de la viande de bœuf et enterrer ses morts sont des pratiques qui deviennent des marqueurs d’une identité à la fois juive et madiga. Depuis les années 1990, ses disciples, qui ont pris également le nom de ‘Bene Ephraïm’, célèbrent des fêtes juives, fondent des synagogues, pratiquent la circoncision et certains militent même pour faire l’aliyah. Ce rêve d’un retour sur la terre « ancestrale » a été accompli par des Kuki-Chin-Mizo, des groupes tribaux du nord-est de l’Inde. Dans les années 1950, parmi ces groupes alors convertis au protestantisme, un visionnaire rêve d’un journal dans lequel figurerait « l’adresse d’Israël ». Ses disciples célèbrent shabbat, cessent de consommer du porc et entrent en contact avec des communautés juives en Inde et en Israël. Les pratiques rituelles des Kuki-Chin-Mizo qui se considèrent comme des « descendants de Menashe » (‘Bnei Menashe’) sont étroitement encadrées par des rabbins israéliens qui leur rendent visite en Inde depuis les années 1990. Près de cinq mille Bnei Menashe se sont en outre installés en Israël avec l’aide d’ONG dont la mission est de faciliter l’aliyah de juifs « perdus » ou « cachés » disséminés à travers le monde.

Comment des revendications d’une identité juive émergent-elles au sein de groupes christianisés au Pakistan et en Inde ? Comment ces communautés en marge des principaux centres du judaïsme acquièrent-elles une connaissance des rituels et des textes sacrés du judaïsme ? Par quels moyens affirment-elles leur judéité ? Quels types de relations ces « nouveaux juifs » nouent-ils avec leurs voisins hindous, musulmans et chrétiens et avec d’autres communautés juives plus ou moins proches ? C’est autour de ces questions que cet atelier proposera de dialoguer à partir d’un court métrage et de deux exposés dédiés à trois communautés juives « émergentes » d’Asie.

Programme

13h45 : Accueil des participants

14h : Présentation de la séance – Cécile Guillaume-Pey (Cesah) et Paul Rollier (CéSor)

14h15 : Yulia Egorova (Department of Anthropology, Durham University)

« Conversions and vernacular theologies of Judaism, Christianity and Islam in India »

Discutante : Aminah Mohammad Arif (Cesah, CNRS/EHESS) 

15h : Jürgen Schaflechner (Department of Social and Cultural Anthropology, Freie Universität Berlin)

« In the Next Year« , a documentary film about the “self-discovery” of a group of Pakistani Christians to Judaism in the city of Karachi

Discutant : Sébastien Tank-Storper (CéSor, CNRS/EHESS)

15h45 : Pause-café

16h : Cécile Guillaume-Pey (Cesah, CNRS/EHESS)

« Between India and Israel. Circulation, traduction and uses of religious texts among the Kuki »

Discutant : Mathieu Claveyrolas (Cesah, CNRS/EHESS)

Contacts :

Cécile Guillaume-Pey : cecile.guillaume-pey@ehess.fr; Paul Rollier : paul.rollier@ehess.fr

Becoming Jews Conversions and identity assertions in India and Pakistan

Workshop co-sponsored by the Cesah (CNRS/EHESS) and the CéSor (CNRS/EHESS)

Tuesday, 9th May 2023, from 2 to 6 pm

Bâtiment de recherche sud Campus Condorcet, Room 0.015.

2 Cours des Humanités, Aubervilliers (Métro : Front Populaire, ligne 12 

Presentation

« Next year in Jerusalem! », chants a man wearing a kippah in a synagogue of Karachi, Pakistan. His words are repeated in unison by his fellow community members, a group of nearly three hundred who self-identify as ‘Bene Ephraim’ (the « descendants of Ephraim ») and started practicing Judaism in 2012. Out of sight from their Muslim and Christian neighbors, these formerly practicing Christians have learnt the basics of Judaism by watching rabbis on Youtube. These online teachings are translated in Urdu and shared within the community through WhatsApp groups. This is not an isolated case. Today in Africa, Latin America, Oceania and in other parts of Asia, countless groups adopt Jewish religious practices, often in tandem with claims of an Israelite origin.

This is the case in India, where several Christianized communities have recently turned to Judaism. In the early 2000s among the Madiga, a Dalit group in Andhra Pradesh (South-eastern India), an ex-Christian pastor proclaimed in his writings that Dalits were descendants of the Lost Tribes of Israel and claimed that his community had been relegated to the position of outcaste by the Aryans after rebelling against caste hierarchy. In a society where cows are sacred and cremation is the norm, he glorified Dalit food habits and ritual practices: eating beef and burying the dead are practices that became markers of both Jewish and Madiga identity. Since the 1990s, his followers, who also took the name ‘Bene Ephraim’, founded synagogues, celebrate Jewish holidays, practice circumcision and some even yearn to make aliyah. This dream of a return to the « ancestral » land was fulfilled by the Kuki-Chin-Mizo, tribal groups in North-eastern India. In the 1950s, among these then Protestant groups, a seer dreamed of a newspaper in bearing « the address of Israel ». His followers started celebrating Shabbat, stopped eating pork, and came into contact with Jewish communities in India and Israel. The ritual practices of the Kuki-Chin-Mizo, who consider themselves « descendants of Menashe » (‘Bnei Menashe’), are closely supervised by Israeli rabbis who have visited them in India since the 1990s. Nearly five thousand Bnei Menashe have also settled in Israel with the help of NGOs whose mission is to facilitate the aliyah of « lost » or « hidden » Jews scattered around the world.

How do claims of a Jewish identity emerge among Christianized groups in Pakistan and India? How do these communities on the margins of the main centers of Judaism acquire knowledge of the rituals and sacred texts of Judaism? By what means do they affirm their Jewishness? What kind of relationships do these « new Jews » establish with their Hindu, Muslim and Christian neighbors and with other Jewish communities more or less distant? This workshop will propose to dialogue around these issues through a documentary film and two presentations dedicated to three « emerging » Jewish communities in Asia.

Programme

2 pm : Welcome and introductory remarks by Cécile Guillaume-Pey (Cesah) and Paul Rollier (CéSor)

2.15 pm : Yulia Egorova (Department of Anthropology, Durham University)

« Conversions and vernacular theologies of Judaism, Christianity and Islam in India »

Respondent : Aminah Mohammad Arif (Cesah, CNRS/EHESS)

3 pm : Jürgen Schaflechner (Department of Social and Cultural Anthropology, Freie Universität Berlin)

« In the Next Year« , a documentary film about the “self-discovery” of a group of Pakistani Christians to Judaism in the city of Karachi

Respondent : Sébastien Tank (CéSor, CNRS/EHESS)

3.45 pm : Coffee break

4 pm : Cécile Guillaume-Pey (Cesah, CNRS/EHESS)

« Between India and Israel. Circulation, traduction and uses of religious texts among the Kuki »

Respondent : Mathieu Claveyrolas (Cesah, CNRS/EHESS)

Contacts :

Cécile Guillaume-Pey : cecile.guillaume-pey@ehess.fr; Paul Rollier : paul.rollier@ehess

 

 

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